Moutons et chèvres d’élevage : un fléau pour les populations du Chamois et du Bouquetin.

Les chamois et bouquetins font partie de nos objectifs photographiques de prédilection. Chaque année, nous côtoyons de près et en toutes saisons ces passionnants ongulés pour observer les différentes étapes de leur vie. Depuis une dizaine d’années, nous rencontrons de plus en plus régulièrement des individus affectés par la kérato-conjonctivite infectieuse.

Provoquant une double inflammation de la conjonctive et de la cornée de l’œil, la kérato-conjonctivite infectieuse est une maladie très contagieuse, causée par la bactérie Mycoplasma conjunctivae. Les symptômes incluent un gonflement des paupières, un larmoiement et un écoulement purulent, pouvant entraîner une cécité temporaire qui contraint les animaux à réduire leurs déplacements et à redoubler d’efforts pour accéder aux sources de nourriture. Les animaux affectés sont également plus vulnérables aux prédateurs, aux accidents et à une mort éventuelle. La cécité, qui peut durer plusieurs mois, entraîne la mort d’environ 15 à 20 % des animaux atteints.

La maladie se transmet par contact direct, essentiellement par les sécrétions oculaires et nasales. Les mouches jouent également un rôle de vecteur en transportant la bactérie d’un animal à un autre.

Il est probable que le réchauffement climatique exacerbe le problème : les décalages dans la végétation et la modification des habitats qu’il provoque, contraignent les animaux à se concentrer dans certaines zones, ce qui les rend plus vulnérables aux maladies.

Les moutons et les chèvres d’élevage, particulièrement dans les troupeaux non contrôlés ou laissés en liberté, constituent la source majeure de contamination. À noter que dans les Alpes helvétiques, en été, ce ne sont pas moins de 250 000 moutons qui colonisent les habitats des chamois et bouquetins.

Ceux et celles qui s’offusquent des attaques des prédateurs sur les moutons se gardent bien de parler des maladies que ces derniers transmettent à la faune sauvage et des dégâts qu’ils occasionnent dans les populations du Chamois et du Bouquetin. Sur le terrain, il est affligeant de constater les ravages causés : les animaux affectés se déplacent avec peine ; certains chutent du haut d’une falaise alors que d’autres, atteints de tournis nerveux, divaguent sur les alpages.

Il fut un temps où les fermiers ne faisaient pas brouter leurs bêtes en montagne. Mais l’homme colonisant toujours plus d’espace, les moutons et les chèvres s’immiscent désormais sur le territoire des chamois et des bouquetins, on pourrait dire « de manière exponentielle » comme se sont plu à asséner certaines personnalités politiques au sujet du loup.

Dans « Le Chamois » (Grenoble 1938), le Dr Marcel Couturier écrit : « le chamois est naturellement peu enclin aux maladies. Pourquoi faut-il que, d’une façon indirecte, la présence de l’homme altère la santé de ce robuste ruminant (…). La plupart des parasites du chamois lui sont transmis par les animaux domestiques, plus particulièrement, les moutons, les chèvres et les chiens. Dans les pays dépourvus d’industrie pastorale, il est exceptionnel de signaler des maladies chez les chamois. La seule vraie prophylaxie est la suppression des troupeaux, surtout transhumants. »